La réorganisation du kalennda-bèlè

Le renouveau

Comme pour le danmyé, les années 60-70 ont été difficiles pour le kalennda-bèlè. En effet, il a été déstabilisé par un certain nombre de facteurs : les mutations économiques et sociales, le développement des moyens de transport et des moyens de communication, la dévalorisation et la marginalisation... Il ne s'agit pas de se plaindre des évolutions de mentalités, des formes et du contenu de la culture. Mais plutôt de reconnaître qu'en Martinique, le caractère brutal de ces mutations, accompagnées de perturbations identitaires, en l'absence d'un pouvoir martiniquais régulateur expliquent que le kalennda-bèlè a failli disparaître.

 

Le recul fut presque total dans le Sud. Dans le Nord-Atlantique, l'organisation en groupes folkloriques va favoriser un certain maintien de la tradition, mais aussi l'affaiblissement du sens et sa désorganisation en tant que culture vivante.

 

Le renouveau du kalennda-bèlè, observable dans les années 80-90, participe de la même problématique de résistance des siècles précédents. Il faut alors organiser la survie de la culture dans les conditions d'un “nouveau pays” : société plus urbaine que rurale, qui utilise davantage l'écrit que l'oral, aux régions désenclavées par le développement des transports, à l'esprit remodelé par l'école et l'essor des moyens de communication, à la démographie perturbée par l'émigration ... Il faut également s'appuyer sur l'héritage de la société traditionnelle pour mieux vivre et survivre et non pas pour caresser le rêve nostagique d'un retour an tan lontan et renégocier nos éléments culturels, composer avec la société actuelle afin que ne meure pas le marronage culturel.

 

De multiples associations ont pris le relais des quartiers. Différentes structures, différents espaces ont pris le relais des won bèlè  : 

  • Les écoles kalennda-bèlè et les activités d'initiation sont devenues les principaux espaces d'apprentissage.
  • Les swaré bèlè, animations fèmen lawonn, les spectacles scéniques s'affirment comme une alternative au cadre proposé par la culture dominante : les spectacles-podium des groupes folkloriques.
  • D'autres espaces, éloignés à première vue du kalennda-bèlè (Education Nationale, sport, santé...) peuvent abriter la volonté de survie et de vie.

 

Dans son projet, l'AM4 pose la nécessité de réorganiser le kalennda-bèlè en un art repère pour l'affirmation et le développement de l'expression rituelle, gestuelle et chorégraphique martiniquaise. 

Réorganiser le KB en un art repère

Les générations précédentes ont légué un patrimoine très riche :

  • en variétés régionales
  • en gestes, pas, attitudes de base et possibilité de variantes
  • en formes chorégraphiques
  • en possibilité d'expression, d'improvisation, de création, de créativité
  • en situation de communication pouvant permettre d'atteindre la communion

 

A l'analyse, le kalennda-bèlè ne peut être considéré comme une danse de variété. Il est à ranger dans la même catégorie que les danses classique européenne, moderne, contemporaine, africaine, indienne...

 

Un art repère, c'est un art qui, tout en intégrant les particularités régionales, familiales et individuelles, met en évidence et fédère les fondamentaux communs et s'érige en un véritable système, reconnu et soutenu, sur tout le territoire martiniquais, par l'immense majorité de la nation.

 

Un art aussi qui, s'actualisant et affirmant ses exigences, reste dans le style populaire de la tradition, tant par les structures, la pédagogie, la culture relationnelle, les perspectives.

 

Il s'agit donc de recueillir le très riche héritage des générations précédentes, de le systématiser, de l'actualiser et le développer afin qu'il puisse affronter sur des bases solides les réalités économiques, sociales, politiques, culturelles de notre époque. Mais pour qu'il puisse aussi s'affirmer face aux autres systèmes de danse, continuer à traduire et inspirer l'effort d'existence et de résistance de la communauté et des différentes générations.