KALENNDA BÈLÈ

Les danses

Nos articles présentent nos divers travaux de recherche pour la connaissance et la compréhension du Kalennda-Bèlè. Loin d'être exhaustifs ou un aboutissement de la recherche, ils sont une contribution à la réflexion et l'analyse. Ils sont régulièrement actualisés. Ici, présentés de manière succinte, vous pourrez les trouver de manière détaillée dans l'ouvrage Tradition Danmyé-Kalennda-Bèlè de Martinique, Tome 2, Les danses Kalennda-Bèlè, paru en 2014.

 

Pourquoi « Kalennda-Bèlè » ?

 

Les recherches historiques et musicologiques ont déjà démontré que, fondamentalement, à l’origine de nos danses et musique au tambour, il y avait les kalennda. Les gestuelles, danses et vie communautaire dérivées de ces kalennda originelles (et reflétant l’évolution historique séculaire) constituent le fond le plus important de notre patrimoine actuel.

 

Les danses bèlè forment un groupe de dérivés. Il y en a d’autres : les danses et musiques lalinklè, les danses et musiques ayant conservé le nom de kalennda, les musiques de travail, les jes djérié

 

Depuis une quarantaine d’années, la pratique des danses bèlè a été privilégiée et l’habitude a été prise de désigner sous le terme bèlè les danses au tambour, ou encore de réduire les danses au tambour au bèlè. Pourtant, les autres danses et musiques au tambour sont aussi porteuses de la richesse rituelle, gestuelle et chorégraphique de notre patrimoine et de sa signification historique. Faisons un rapide tour d’horizon des pratiques répertoriées jusqu’à ce jour. 

Les danses bèlè

 

Dans l'état actuel des recherches, trois expressions sont bien connues :

  • L’expression samaritaine, avec un rayonnement sur les communes avoisinantes : Marigot, Lorrain, Gros-morne. Ici, quatre rythmes : le bèlè ou/et bidjin bèlè, le granbèlè, le béliya, le marin bèlè appelé encore bèlè twa pa, bouwo, mazouka bèlè ou mazouk twa pa. Dans cette région, le bèlè se danse à huit et en formation quadrille (deux carrés emboités).
  • L’expression de Basse-Pointe. Les danses observées ou dont on témoigne couramment: bèlè, bidjin bèlè (3 chorégraphies), granbèlè, béliya, alaris bèlè (ou bèlè alaris), d’autres danses (ou adaptations chorégraphiques, observées de manière exceptionnelles) : koubé et alé o pa. Dans cette région, le bèlè se danse principalement en deux lignes (avec parfois une expression en deux carrés alignés), ou encore en won pour la biguine, mais aussi en quadrille (bèlè koumandè).
  • L’expression du Sud-Caraïbe, principalement aux Anses-d’Arlet, et aussi aux Trois-Ilets et au Diamant ; certains témoignages parlent aussi de Rivière-salée. Ici, deux rythmes : le bèlè proprement dit et le granbèlè. On danse à huit, mais on peut danser à deux, à quatre, à six, à dix ou douze. On danse en couple, dans une formation en won; et le gran bèlè, dans certaines circonstances, à la fin des swaré, peut se danser en dispersion. Deux autres possibilités en ligne sont développées par Brigitte Odina « Man Nana » avec son groupe « Les cocotiers »  et par l’atelier bèlè de l’OMAC des Anses d’Arlet.

 

Des témoignages permettent d’envisager qu'il a existé également un foyer dans la région du Prêcheur, de Grand-Rivière et du Macouba, jusqu’au début des années 1970. 

Les danses lalinklè

 

Selon le témoignage de certains anciens, ting-bang, mabélo, kannigwé, woulé mango, auraient été des jé lalinklè. Ils se pratiquaient sans musique. Cela se faisait au clair de lune, dans la cour des maisons. Il s’agissait de jeux d’enfants sous le regard des parents et adultes. Progressivement, les jé lalin klè sont devenus des dansé lalinklè, principalement pratiquées par les adultes. Il y a eu l’entrée des instruments et une évolution chorégraphique.

Cependant, au vu de certains éléments historiques (description de kalennda/mabélo par le R.P Labat, rituels liés à la lune…), on peut se demander s’il n’y a a pas eu existence de la musique avant la pratique sans musique, puis réapparition. 

Parmi les danses lalinklè, on trouve :

  • Le mabélo. Il se danse en ligne principalement, en cercle ou en quadrille, selon certains témoignages
  • Le ting-bang. Il se danse en cercle. On retrouve une expression en ligne, à Basse-Pointe.
  • Le woulé mango. Il se danse en cercle.
  • le kannigwé ou kanigwé. Il se danse en ligne. Plusieurs expressions : an fidji apré lot, fidji ansanm (kannigwé bal) ou danm bèlè-a (Basse-Pointe).
  • Karésé yo (Bwa nika, bwa nikaya) enseignée par Ciméline RANGON au groupe BELALIANS. Présentée en won, elle se danse aujourd’hui aussi en quadrille.

Les danses kalennda

 

Parmi les danses kalennda, on retrouve :

  • Kalennda dite bal/tout moun ansanm/mayoumbé, ou encore du sud (car découverte dans cette région où s’était maintenue). Elle se danse par couples et en nombre illimité. Elle se distingue par l'empreinte très forte des gestes mayaka.
  • Mayoumbé, aujourd'hui disparu, danse très voisine de cette kalennda et qui aurait prédominé dans la région du Diamant.
  • Kalennda yonn apré lot/tikanno. C’est une danse solennelle qu’on pratique aujourd’hui, parfois à des moments qui lui sont réservés ou en fin de swaré bèlè.
  • Béséba. Danse que l’on retrouve en expressions robertine, spiritaine, samaritaine et dans les bals et vidés de carnaval. Quelle que soit l’expression, le principe de base est de danser en descendant et en remontant le corps.
  • Dansé wolo. Pratique proche du béséba, avec des gestes tournés (qu’on pourrait comparer à la pratique des tournés qu’on trouve dans woulé mango, bouwo, valsé o kannigwé).
  • Dansé ladja. La pratique dansée du ladja qui, selon les témoignages peut se danser en deux lignes, en couple ou en individuel.
  • Bidjin ladja. Dansée par deux hommes, la pratique consiste à montrer les coups sans les porter.
  • Dansé djab wouj. Observable dans les vidés du carnaval, notamment le Mardi Gras. 
  • Lariviè léza. Forme aujourd’hui disparue ; les témoignages disent qu’elle se dansait avec un bâton. Ce qui n’est pas sans rappeler la kalennda observée et décrite par Lafcadio Hearn lors de son passage en Martinique (1889-1890).

Les danses et pratiques de travail

 

Parmi elles, on retrouve : 

  • Le bénézwel qu’on a pris l’habitude, parce qu’il s’exécute en ligne, de classer dans les dansé lalin klè. La danse symboliserait le travail du grajé manniok. « Sé an kay farin yo té ka chanté sa » disent les frères RASTOCLE. Aujourd’hui le bénézwel se danse sur deux lignes ou sur une seule.
  • Dansé mòtié ou dansé labou. On l’exécute pour pilonner le mortier (mélange de terre, de feuilles et d’eau, utilisé pour la construction), jusqu’à ce qu’il devienne dur. Ce sont principalement de jeunes hommes qui s’expriment, même si des femmes pouvaient le faire à l’occasion.
  • Dansé kako. Elle s’exécute sur le même principe que dansé mòtié, mais pour pilonner le cacao.
  • Négriyé dit aussi mabélo lakoup kann. Il représente le travail de la coupe de la canne. 

 

En conclusion

A l’évidence, le mot bèlè ne rend pas compte de toute l’étendue de notre patrimoine, et le mot kalennda est utilisé dans un sens réducteur (beaucoup de danses ont perdu le nom de kalennda) ou déformé (constitution et diffusion par les ballets folkloriques d’une forme inconnue du patrimoine vivant) qui ne lui donne pas toute sa dimension. 

Aujourd’hui, il y a nécessité d’affirmer que la kalennda est bien vivante, qu’il n’y a nul besoin de la réinventer : elle est présente partout, y compris dans le bèlè. La formulation kalennda-bèlè peut permettre, à notre humble avis, de rendre compte de l’évolution historique ainsi que de la nature profonde et de l’étendue du patrimoine actuel. Elle permet également de traduire la situation et la perception actuelles, notamment l’importance prise par un des dérivés, une des adaptations historiques: le bèlè.