Lonnè épi respé ba Man Jacqueline LUTBERT
En hommage à Jacqueline LUTBERT
« Eh oui, Madame LUTBERT s’en va… » : c’est ainsi qu’elle annonce à l’un d’entre nous que la maladie qu’elle affronte depuis des années a définitivement pris le dessus. Et d’ajouter : « je suis prête !». Et de ramasser, avec sérénité, ses dernières forces et son courage pour transformer cette fin de vie terrestre en un formidable hymne à la Vie, en menant à leur terme deux projets qui lui tenaient particulièrement à cœur : l’exposition « jes bèlè, jes lavi » avec Philippe BOURGADE et le spectacle « Danma » avec l’AM4.
Une grande dame s’en est allée.
Une dame qui a consacré la plus grande partie de sa vie l’éducation et à la danse.
Elle s’est d’abord exprimée en danse contemporaine avec Ronnie AUL et Marie-Hélène NATTES. Une période et des professeurs qu’elle a toujours honorés jusqu’à la fin de sa vie. Un domaine dans lequel elle a d’ailleurs continué à s’exprimer au cours des années 2000 avec le groupe LÉKOLEG KONPANI des professeurs d’EPS.
C’est avec Jean TESOR qu’elle fait ses premiers pas en danse traditionnelle. Mais sa rencontre décisive avec le kalennda-bèlè a lieu au début des années 1990.
Enseignante, professeur d’EPS, elle contribue à la réflexion et au succès des « Universités d’été de l’EPS pour l’introduction des Activités Physiques et Sportives traditionnelles dans l’enseignement de l’Education Physique et Sportive » qui ont eu lieu de 1992 à 1994 successivement en Martinique, Guadeloupe et Guyane. Puis, suite à ces « Universités d’Eté », elle participe, dès 1995, en tant que membre et présidente du jury, à la mise en place et au maintien de l’option « danse traditionnelle » (kalennda-bèlè) au bac. Elle développe également l’enseignement du kalennda-bèlè dans ses classes de collège.
Elle contribue, de manière significative, à la rédaction de la brochure publiée par l’AM4 en 1992, « Les danses kalennda-bèlè, danses nationales martiniquaises ». Puis, elle travaille à son approfondissement en participant à la réflexion et à la pratique des animateurs de danse de l’association. Dans le même esprit, elle participe aussi à la réalisation du tome 2 du livre « Traditions danmyé-kalennda-bèlè de Martinique » paru en 2014.
A partir de 1992, elle devient la directrice artistique et chorégraphique de la troupe culturelle de l’AM4 qui crée avec elle sept spectacles de recherche scénique : « Explorations » en 1993, « Nonm ek fanm » en 1994, « Tjenbé red » en 1996, puis « Tras » en 2006, « Kò an manniman » en 2008, « won dan won » en 2011 et « Danma » en 2014. Jacqueline a joué ainsi un rôle déterminant dans le développement de l’expérience d’une expression scénique du danmyé-kalennda-bèlè.
L’Assemblée Générale extraordinaire de l’AM4 du 8 mai 2014 lui a exprimé symboliquement toute sa reconnaissance pour sa contribution au développement de l’AM4 et de la culture martiniquaise en lui attribuant, à l’unanimité, et avec son accord, le statut de membre d’honneur de l’association.
Jacqueline était une femme de conviction et une passionnée.
Elle était animée d’une « force tranquille » communicative, d’une détermination discrète, tenace et souple qui l’aidaient à surmonter tous les obstacles et à « faire avec » les réalités et les forces disponibles.
La rencontre entre Jacqueline et la troupe culturelle AM4, c’est l’histoire d’un amour partagé et tranquille, un de ces amours qui résistent au temps, au-delà des péripéties diverses… et de la grande séparation.
Jacqueline LUTBERT n’est plus, mais nous restons ensemble, elle et nous, car ce que nous avons partagé continue à vivre et se nourrit de tant de souvenirs, et de cet esprit empreint de détermination, de rigueur, de souplesse, de risque aussi et d’innovation auquel Jacqueline nous a habitué et qu’elle nous laisse en héritage.
Bon voyage, Grande Dame ! Lonnè épi respé !
Fort-de-France, le 23 juin 2014
Le Comité Directeur de l’AM4